Revue internationale de référence en formation des adultes fondée en 1969.

N°225

2020-4
Croisement des savoirs et recherches coopératives

21,50 

Hugues PENTECOUTEAU

L’utilité sociale des sciences humaines et sociales, ou comment chercher ensemble ?

Cet article porte sur la place du chercheur en sciences humaines et sociales dans la société, et plus particulièrement sur son rôle et sur sa responsabilité en tant qu’acteur rendant compte et analysant des représentations et des pratiques observées. Dans un contexte où l’invitation à travailler avec des non-chercheurs est de plus en plus présente, on peut se demander comment procéder pour chercher ensemble. Le point de vue développé dans cet article a comme point de départ une réflexion personnelle et un cheminement croisant de manière critique l’approche clinique en éducation, l’interventionnisme sociologique et la recherche-action expérientielle. Dans cette lecture, la notion de recherche communautaire est présentée comme étant fédératrice rapprochant des logiques méthodologiques différentes, ainsi que les cadres théoriques qui les orientent.

 

Virginie MESSINA, Geneviève LAMEUL, Yann ROULLAIS, Pauline LORCY

Coopération et enquête collective. Quelle recherche coopérative pour accompagner l’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur ? 

A partir d’une expérimentation de coopération dans le projet DESIR (Développement d’un enseignement supérieur innovant à Rennes, 2017-2020), cet article cherche à montrer comment peut se vivre la conversion anthropologique à laquelle invitent les auteurs du texte introductif de ce dossier, conduisant le chercheur à travailler « avec » tous les acteurs, quel que soit leur statut respectif. Après avoir questionné le contexte et les enjeux de ce projet et précisé les notions et concepts aux fondements de la démarche étudiée (enquête, ingénierie coopérative), le texte s’attache à rendre compte de la manière dont ingénieurs pédagogiques et chercheures se rencontrent autour de la problématique de l’accompagnement des transformations pédagogiques dans l’enseignement supérieur. En appui sur les travaux d’Éloi, les auteurs postulent qu’aucune coopération ne peut s’exercer ni vivre sans institutions qui puissent en accueillir les pratiques effectives. L’article aborde la question de ce que les auteurs nomment des institutions de coopération en situation de recherche coopérative à partir de la notion d’enquête collective, en s’appuyant sur un exemple de mise en œuvre d’un carnet de bord, outil de coopération pour l’ingénierie et la recherche, et exemple emblématique révélateur des enjeux d’une telle méthodologie.

 

Ségolène LE MOUILLOUR, Jacques LEGAL

Des espaces géopolitiques en tension. D’une recherche « sur » à une recherche « en action »

Tout au long de cet article, les chercheurs se sont efforcés de décrire les différentes étapes d’une étude engagée auprès de deux populations : les directeurs de collège ou de lycée, et les personnels chargés d’accompagner ces managers. Tous ces professionnels appartiennent à des espaces différents : les uns dirigent leur établissement ; les autres font partie de l’autorité de tutelle dont l’une des attributions consiste à nommer les dirigeants des différentes structures scolaires. Tous ces interlocuteurs de terrain furent dès le début associés à cette recherche. Chacun, de la place où il se trouvait, a pu faire entendre une voix bien singulière. C’est au croisement de ces récits que les chercheurs ont pu décrire cette rencontre parfois frontale entre différents « continents ». Le fait de pouvoir le dire a permis aux acteurs de s’engager dans un processus de transformation.

 

Isabelle GRANGEREAU, Paola DUPERRAY, Eric MUTABAZI

L’interdisciplinarité, une valeur ajoutée de la recherche collaborative

L’article porte sur les stratégies d’adaptation de chefs d’établissements face aux situations génératrices de stress, voire de souffrance au travail auxquelles ils sont confrontés. Il propose une approche interdisciplinaire. Si le traitement des données empiriques a été effectué de manière autonome par chaque chercheur, les analyses et les interprétations se sont nourries des interactions pour aboutir à une lecture partagée du phénomène étudié. Ces analyses s’inscrivent dans trois disciplines : sciences de gestion, psychologie clinique et sciences de l’éducation. Elles prennent appui sur trois différents focus : psychoclinique, organisationnel, andragogique. Il en résulte une lecture collaborative et originale d’un même phénomène. Les résultats de ce travail montrent une certaine valeur ajoutée qui rend compte de la complexité de l’objet d’étude et de ses nombreuses spécificités. Du fait de cette interdisciplinarité, la recherche gagne en profondeur et en relief ; elle permet de faire émerger des pistes de réflexion, puis d’intervention au plus près des représentations des acteurs et des dynamiques de l’organisation. Elle se révèle comme un puissant stimulus de déplacements pour les parties prenantes, tout en produisant des connaissances nouvelles. La mise au travail des résonnances repérées tout au long du processus conduit les chercheurs à interroger la place de laquelle ils s’expriment : l’enjeu est de transformer ces matériaux et de les mettre au service de la recherche, de la relation et, encore plus loin, du changement.

 

 

Hélène DESFONTAINES, Laurence COCANDEAUBELLANGER, Nathanaël WALLENHORST

Analyse croisée de l’activité : déplacements et effets de connaissances

Basé sur une recherche auprès de chefs d’établissements scolaires de l’enseignement privé sous contrat, l’article rend compte de l’effet heuristique des dynamiques réflexives suscitées par un dispositif groupal d’analyse de leur activité professionnelle déployé auprès d’une trentaine de personnes. Les interactions langagières provoquées par l’énonciation des attentes à propos de cette recherche coopérative ont permis de saisir non seulement de communes situations de travail mais aussi l’engagement subjectif mobilisé, revendiqué, empêché. L’article s’attache à rendre compte de ces effets de déplacement et de dévoilement.

 

Paola DUPERRAY Ségolène LE MOUILLOUR

Les dynamiques d’une expérience de recherche collaborative. Le cas du programme « Analyse de l’activité des chefs d’établissement et de ceux qui les accompagnent »

Les démarches de recherches de type collaboratif s’inscrivent dans une tradition scientifique datant du début du siècle dernier et profondément marquée par le pragmatisme de John Dewey, l’interactionnisme symbolique de Margareth Mead et les approches méthodologiques de l’Ecole de Chicago. Elles regroupent aujourd’hui de nombreux travaux au sein de diverses disciplines (sciences de l’éducation, de gestion, sociologie, psychologie sociale…). Fort de ces héritages, le programme « Analyse de l’activité des chefs d’établissement et de ceux qui les accompagnent » se situe dans ce cadre épistémologique et méthodologique dont il constitue une illustration (si l’on regarde du point de vue du processus) et un approfondissement (si l’on se concentre sur son contenu). Au-delà des connaissances produites sur l’objet même de la recherche (l’activité des chefs d’établissement et de ceux qui les accompagnent), le processus mis en place il a permis le repérage de trois dynamiques interactionnelles génératrices de changement pour les parties prenantes : une dynamique d’amorçage, passant par la construction d’alliances ; une dynamique de cadrages et recadrages, tout au long du processus ; une dynamique d’investigation, solidaire et réflexive, facilitée par un leadership d’animation et de régulation.

 

Corinne ROUGERIE

L’accueil en centre socioculturel : histoire d’une recherche-intervention qui devient coopérative

A partir d’un regard institutionnaliste plus particulièrement inscrit dans le champ de la sociologie clinique institutionnelle, cet article propose de contribuer au questionnement proposé en l’illustrant d’une recherche qualifiée de recherche-action formation par ses coréalisateurs. L’auteure impulse et accompagne ce type de démarche depuis une dizaine d’années dans le secteur de l’action sociale et médico-sociale ; la construction d’un tel processus demande une vigilance particulière dès les prémices de l’entrée en relation de travail ensemble et tout au long de son déroulement. De quelle manière les acteurs appréhendent-ils ce type de recherche ? Que produisent-ils ensemble ? En quoi la recherche menée est-elle coopérative ? Autrement dit, l’enjeu porterait sur la capacité des uns et des autres à vouloir, voire pouvoir, faire jeu commun en fonction des situations professionnelles et/ou personnelles dans lesquels ils sont pris. C’est le fil rouge que suit l’auteure en montrant en quoi le terrain de recherche (ici un centre sococioculturel en zone urbaine) devient progressivement par lui-même un « territoire savant ».

 

Daisy CUNHA, Simon MALLARD

Partager des savoirs pour transformer nos métiers

La démarche ergologique contribue à la formalisation de l’expérience professionnelle. En s’appuyant sur un dispositif mis en place au Brésil par des chercheurs avec des syndicalistes mineurs, cet article décrit les effets de cette approche sur les acteurs impliqués en termes de coopération, de posture ou d’un point de vue éthique. Le croisement des savoirs entre les acteurs – ou, dit autrement, « l’expérience de l’expérience » – contribue pleinement au développement conjoint de tous à « disparité de place et parité d’estime ».

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