Revue internationale de référence en formation des adultes fondée en 1969.

N°240

2024-3
Rencontres avec le terrain

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Joris Thievenaz : À la recherche des « petits riens »

Dans le prolongement d’autres contributions explicitant une démarche de recherche pouvant être qualifiée d’« approche micrologique de l’expérience en formation d’adultes », cet article s’intéresse à la façon dont il est possible de recourir à l’expression « petits riens » pour désigner un ensemble de phénomènes, objets, processus ou composantes situationnelles qui, bien que discrets, mineurs, en apparence anodins, jouent un rôle non négligeable dans l’activité et dans l’expérience du sujet en situation de travail. En discutant de l’usage de ce terme, et en prenant appui sur une étude de cas issue d’une recherche conduite dans le milieu de la création artistique, il s’agit d’explorer une manière de produire des connaissances sur les situations et les processus qui concourent à la formation du sujet dans les situations ordinaires de travail.

L’expérience de terrain de recherche en formation d’adultes s’inscrit dans des dynamiques temporelles spécifiques aux différents acteurs concernés par la réalisation de l’enquête. Après un apport étymologique sur les différentes conceptions des temporalités, la prise en compte de l’échelonnement temporel (macro, méso, micro) permettra de construire un outil d’analyse des situations d’enquêtes à partir d’une recherche collaborative mobilisant à la fois le passé, le présent et le futur. Aussi la mobilisation de cinq possibilités de lecture temporelle : le temps programmatique, les rythmes, l’expérience du temps vécu, la temporalisation biographique et les temps courts et longs de l’enquête éclaire la compréhension des formes de continuité et de discontinuité des rencontres attendues et inattendues dans les situations d’enquêtes.

Faire de la recherche avec les professionnels revient souvent à travailler à l’identification d’un objet de recherche et à apporter des matériaux, tant l’activité de recherche apparait comme réservée aux chercheurs. A contrario, l’expérience de recherche collaborative menée par les auteurs depuis plusieurs années les amènent à soutenir l’hypothèse qu’il est possible d’associer plus largement les professionnels à toutes les activités présentes dans une démarche de recherche. Dans un partage de culture commune de recherche, les outils d’interprétations sont produits en interaction entre les acteurs engagés. Cela suppose de transformer l’organisation même de la conduite de recherche, avec l’aménagement d’un temps long de rencontres et de travail en ateliers. Cet article s’attache à montrer comment le travail d’interprétation peut être compris comme un couplage d’activités, une combinaison réciproque d’engagement des acteurs, dits chercheurs ou de terrain, dans l’activité d’interprétation.

L’article décrit et analyse le cours d’activité d’une chercheuse lors de l’investigation sur le terrain de l’expérience d’étudiants dans un environnement EMI (English as a Medium of Instruction). En s’inscrivant dans une démarche ethnographique en analyse de l’activité sur un temps long, l’objectif de la chercheuse était de s’acculturer et de se familiariser avec les étudiants pour documenter et analyser leur expérience en formation. La relation de proximité créée avec les étudiants et leurs intérêts pour l’enquête ont conduit la chercheuse à faire preuve d’inventivité méthodologique pour répondre aux caractéristiques du terrain. La méthode développée tout au long de la recherche est interprétée dans cet article comme émergeant du couplage de l’activité de chercheuse avec ce que font les étudiants engagés dans leur environnement d’apprentissage.

Cette contribution propose une réflexion sur la pertinence de l’expérience de terrain dans la manière de saisir et de qualifier les procédures intellectuelles et cognitives acquises par le chercheur chemin faisant (processus itératif, inventions des modalités spécifiques singulières, transactions développées avec les enquêtés aux moments-clés des processus de recherche, etc.). L’auteur montre que c’est la confrontation au terrain qui permet de construire les qualités du chercheur, c’est-à-dire de celui qui ose sortir des allant-de-soi, des sentiers battus, à la quête de l’inconnu. Avant cela, il présente les deux principales démarches qui s’opposent : la démarche rationnelle et les démarches phénoménologiques.

L’article vise l’observation et l’analyse des activités des personnes en situations d’apprentissages. Il s’agit notamment d’identifier les manières de faire des étudiants primo-entrants à l’université afin de comprendre comment ils composent avec les situations auxquelles ils ont affaire et de donner à voir les tentatives mises en œuvre pour être efficace dans leur travail. L’accès au terrain de travail ordinaire des étudiants a été possible grâce à des recueils de traces de l’activité systématiquement enrichies d’une analyse en première personne par l’intermédiaire d’entretiens d’autoconfrontation. Si ces modalités favorisent le maintien à distance de la subjectivité du chercheur, elles laissent toutefois subsister des zones de « flous » interprétables. Afin de sécuriser le processus analytique, l’auteur a développé un processus collaboratif permettant de croiser des regards multiréférencés (étudiants, enseignants, conseillers pédagogiques) à propos des données de terrain recueillies.

Explorer la parentalité dans son vécu le plus singulier, pour comprendre comment il se construit et se transforme lors de situations inconfortables situe l’analyse au plus près de l’expérience. Dans ces moments qui font partie des bascules de l’existence, l’intelligibilité des processus expérientiels dépend notamment de la capacité du chercheur à se « laisser prendre » par la spécificité du terrain exploré, ainsi que de sa faculté à s’en extraire au moment opportun. Pour rendre intelligible ce qui se joue dans les coulisses, lorsque le sujet se sent hors d’atteinte, une option consiste à s’appuyer sur une posture de recherche et une épistémologie spécifiques permettant d’approcher ces expériences dans ce qu’elles ont de plus authentiques à offrir. Dans cette étude, le cadre méthodologique allie la création d’espaces relationnels entre sujets et chercheur à l’engagement de ce dernier sur le terrain.

En sciences de l’éducation et de la formation, la production de connaissances ouvre différentes possibilités dans la relation entre le chercheur et son objet. Certaines possibilités sont centrées sur la neutralité du chercheur, sur la manière de garantir un processus dans lequel l’objet est contrôlé et isolé. D’autres formes de production de connaissances n’opèrent pas selon le cadre de la division paradigmatique sujet-objet ; au contraire, elles opèrent dans la perspective de la constitution du sujet chercheur dans le monde, avec l’objet. Dans cette perspective, l’implication est intrinsèque à la production de connaissances, le chercheur in mundo s’enchevêtre, se mêle, est impliqué dans le processus de recherche en tant qu’il délimite l’objet d’étude. En agissant sur le terrain, il est lui-même susceptible d’être affecté, ce qui le conduit à faire des choix guidés par les rencontres. Dans le champ de la santé et de l’éducation permanente, considérer le chercheur « in mundo » peut favoriser la compréhension du travail et notamment des processus éducatifs des adultes malades.

La notion de familiarité du terrain de recherche est investiguée du point de vue de sa pertinence à travers le regard du professionnel et formateur devenu apprenti-chercheur puis chercheur et qui analyse sa propre activité dans une visée de création de savoir. L’article s’intéresse aux aspects suivants : comment un milieu de travail d’une grande familiarité peut faire terrain de recherche ? Qu’offre-t-il de plus ou de moins à l’analyste qu’un terrain inconnu ? Quels sont les avantages de l’observation en terrain familier   Quels sont les points aveugles et les angles morts que ce type de familiarité induit ou comment l’intimité établie avec le terrain peut faire obstacle à l’observation et à l’analyse et donc à la découverte ? Les auteurs réutilisent les traces de deux auto-analyses de l’activité dans deux contextes distincts (l’activité d’enseignement et un épisode de la vie courante), et sous l’angle d’une double participation d’observateur et d’observé.

Conscientes de la particularité de l’organisation de l’activité enseignante, en ce qui concerne la multitude des situations de classe d’une part, et la nature spontanée des interactions enseignant/élèves d’autre part, les auteures ont choisi de mettre en place une enquête de terrain de type ethnographique. Des entretiens d’autoconfrontation simple menés avec les enseignants observés complètent ces observations. En rendant compte des théorèmes-en-acte mobilisés en situation, les entretiens permettent d’aller plus loin dans la connaissance du fonctionnement et de la dynamique de l’activité des enseignants.

Cette contribution identifie les spécificités relatives au cadre prescriptif du contexte scolaire vaudois en Suisse et les voies parallèles empruntées par les chercheurs ; elle discute la posture des chercheurs en l’absence de demande d’investigation de la part du terrain. Enfin, la rencontre favorisant la transformation de l’activité scientifique du chercheur et celle des participants, est présentée afin de saisir l’intérêt et les bénéfices des démarches cliniques en recherche.

Alors que les options théoriques, les concepts, les visées et les méthodes mobilisés dans la recherche en formation des adultes sont régulièrement présentés et discutés, les travaux du domaine restent souvent peu diserts sur la manière dont le chercheur s’y prend concrètement pour aller à la rencontre et faire l’expérience d’un « terrain ». Si la référence aux approches ethnographiques, sociologiques ou anthropologiques, est à la fois fréquente et incontournable, la question reste posée de savoir de quelle manière le chercheur s’approprie les méthodes, postulats et princeps issus de ces différents domaines, voire les dépasse, au regard des « terrains », des publics et des visées propres à la recherche. L’article interroge les caractéristiques, voire les spécificités, de l’expérience du terrain propre à la recherche en formation des adultes, et plus particulièrement dans les travaux relevant d’une approche par l’analyse du travail ou de l’activité.

Depuis la succession de « vagues technologiques » constatée dans la deuxième moitié du XXe siècle, à l’attente d’une « révolution » qui « n’a pas [eu] lieu » au tournant du millénaire, jusqu’au « tsunami » des dernières années, la relation de l’université aux techniques contemporaines semble se jouer dans un rapport d’influence qui pourrait être en passe de se renverser. Après avoir analysé l’évolution des places et fonctions des objets techniques à l’université durant plusieurs décennies, cet article aborde une actualité problématique, en montrant en quoi les objets techniques sont susceptibles de mettre en jeu ses missions traditionnelles, interrogeant sa place et sa fonction dans la société (Varia).

Les métiers de l’orientation sont regardés sous l’angle de l’histoire sociale de l’orientation depuis plus d’un siècle. Dans la discussion des contributions touchant plus directement le domaine de l’orientation scolaire, trois points sont abordés : la construction et l’installation de dispositif de travail adapté aux situations d’orientation ; les connaissances susceptibles de venir étayer les activités d’orientation et leur mode de transmission ; les apprentissages visés dans les situations installées regardés sous l’angle du processus de transformation observable au niveau des sujets et du métier. Ces trois points sont discutés en lien avec la construction d’une didactique de l’orientation scolaire et professionnelle et le développement du métier de conseiller d’orientation-psychologue (article paru dans le n° 171).

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